Il y a quelque temps, je suis est allé faire des courses en voiture. À mon retour, chargé de nombreux sacs dans le coffre, une de mes filles me propose de l’aide. Je lui réponds immédiatement « Non merci, je n’en ai pas besoin ».
Les jours suivants, je me suis demandé pourquoi j’avais rejeté son aide, alors que finalement elle m’aurait été bien utile ! J’ai réalisé que par notre nature d’être humain, nous nous sentons capables et laisser ma fille m’aider aurait signifié, consciemment ou inconsciemment, que je ne l’étais pas.
Et quelques jours après s’est passé un évènement déroutant. J’ai vécu une situation similaire avec mon épouse. Elle est rentrée chargée et, instantanément, je lui ai dit « attends, je vais t’aider ». Et elle m’a évidemment répondu « pas la peine, c’est juste un sac ». J’ai alors insisté et lui ai pris le sac des mains.
C’est à cet instant que je me suis remémoré ce que j’avais vécu avec ma fille. « Hmmm… Je n’accepte pas l’aide d’autrui, mais je suis le premier à insister pour aider les autres ». Je me suis rendu compte que c’est cette façon de penser qui pousse les personnes à endosser le rôle de Sauveur du Triangle des Tensions.
Quand on est dans ce rôle, l’envie d’aider les autres devient compulsive aux dépens de ses propres besoins. Comme tout le monde, j’ai aussi besoin de l’aide des autres…
En endossant ce rôle, le Sauveur concentre son attention vers l’extérieur, scrutant l’environnement en attendant le moment propice pour aider les autres. Il espère être remarqué comme une personne utile et arrangeante. Il attend de la reconnaissance en retour.
La frontière entre le rôle de Sauveur et celui de l’altruiste peut sembler ténue. Pourtant, l’altruiste n’attend rien en retour, il est désintéressé. Il propose son aide, c’est tout. C’est lorsqu’il ne peut s’empêcher d’aider les autres qu’un déséquilibre naît et qu’il bascule dans le rôle de Sauveur.
Le risque étant d’intervenir dans des situations où aucune aide n’est voulue et demandée explicitement et, paradoxalement, de refuser d’être aidé à son tour. Cette façon de faire conduit notamment à l’épuisement physique. L’épuisement moral guette aussi, par la perte de sens, car la reconnaissance qui est accordée au Sauveur est rarement au niveau de celle qu’il attend, si tant est qu’elle lui soit accordée… « Avec tout ce que je fais pour les autres, c’est comme ça qu’ils me remercient… ». Dans ce cas, la bascule du rôle de Sauveur à celui de Victime n’est pas loin…
Et la surprise vient de la bascule éventuelle vers le rôle de Persécuteur avant ou après celui de la Victime. « Je me donne du mal à aller chercher ton écharpe en courant avant que tu ne sortes, et tu n’en veux pas. Tu es ingrat ! Tu ne viendras pas te plaindre quand tu seras malade ! »
Si vous vous identifiez au « je n’ai pas besoin d’aide, il n’y a que moi qui en donne ici », apprenez à faire un pas de côté en demandant de l’aide. Vous savez au fond de vous que vous en avez besoin pour vous ressourcer… Cela ne fera pas de vous une personne moins bonne ou moins forte. Vous pourrez toujours faire preuve d’altruisme en proposant votre aide et en laissant l’autre accepter ou non. Par contre, vous pourrez mettre votre cape de superhéros au placard !