Lors d’une conversation récente, quelqu’un expliquait comment son directeur s’était transformé pendant la crise en passant de comportements froids et distants à des comportements chaleureux et sincères.
Ce directeur adresse désormais régulièrement des messages à ses collaborateurs.trices pour les informer de la situation de l’entreprise et aussi, pour leur faire part de son sentiment inhabituel de vulnérabilité et de ses effets sur lui en cette période d’incertitude.
Pendant les visioconférences, il invite ses collaborateurs à faire visiter aux autres leur lieu de télétravail. Il débute dorénavant ses réunions par un sincère « comment allez-vous, aujourd’hui ? » qui remplace le « ça va bien ? » sans désir sincère de savoir ce que l’autre vit et ressent. Il ajoute aussi « qu’est-ce qui ferait que cette réunion serait une réussite pour vous ? ». Il fait ainsi preuve de ce que l’on appelle l’empathie, qui permet aux autres d’exprimer leurs ressentis.
Ce directeur s’est ainsi créé un nouveau compte sur lequel il ne dépose pas du cash, mais plutôt des émotions et sa vulnérabilité. Les bénéfices que ce compte engendre sont une grande qualité dans les relations bâties sur la confiance et l’authenticité. Cette idée de compte bancaire émotionnel a été introduite par Stephen R. Covey, auteur, homme d’affaires et conférencier américain.
David Emerald et Donna Zajonc, les concepteurs de TED* – The Empowerment Dynamic ont bâti l’approche intitulée 3VQ – Three Vital Questions. La première question vitale est « sur quoi portez-vous votre attention, sur les problèmes ou les résultats à produire ?». Une fois votre réponse formulée, vient la seconde question « quel rapport entretenez-vous envers les autres et envers vous-même ? » Quant à la troisième, il s’agit de savoir « quelle est votre prochaine petite action ? », ou pas, en fonction du focus « problème » ou « résultat » et du rapport que vous avez aux autres et à vous-même.
La seconde question vitale a une résonance particulièrement forte en cet instant de crise empreint d’une incertitude plus prégnante qu’à l’habitude. En fonction de votre réponse à cette question, les comportements que vous adopterez tendront, soit à entretenir le Triangle Dramatique des Tensions et ainsi vous priver, vous et les autres, d’une capacité à faire des choix et à avancer, soit à créer les conditions qui vous permettent collectivement de faire émerger vos ressources, source d’autonomie, d’engagement et de progrès.
Le solde de votre compte bancaire émotionnel varie en fonction du type de relation que vous établissez envers les autres. Vous voulez faire un dépôt d’émotions ? Alors interagissez avec les autres sous l’angle de la sincérité, en prenant 100% part à la relation et en n’hésitant pas à révéler votre part de vulnérabilité. Vous préférez un retrait ? Agissez en blâmant les autres, en vous positionnant comme si vous aviez la maîtrise de la situation et en considérant les autres comme potentiellement dangereux pour vous.
Pour faire un retrait, agissez avec le rôle de Persécuteur du Triangle des Tensions. Ce rôle émerge avec la peur de ne pas pouvoir maîtriser son environnement, en particulier en ce moment… Pour tenter de garder le contrôle et combler sa vulnérabilité, le Persécuteur va jeter toutes ses forces dans la bataille et prendra malheureusement de la distance avec les autres. Ceci dit, plus il sera loin des autres, moins ils seront dangereux pour lui, mais plus le collectif s’effritera. Quant aux émotions, c’est un sujet qu’il rejette en partant du principe qu’il vaut mieux réfléchir que ressentir. Les Persécuteurs récurrents ont généralement un compte bancaire émotionnel à zéro. D’ailleurs, ils n’en ont peut-être jamais ouvert…
Pour faire un dépôt émotionnel, agissez avec le rôle de Challenger de TED* – The Empowerment Dynamic, antidote du Persécuteur. Ce rôle part du principe qu’il ne maîtrise pas toutes les situations qu’il rencontre. Il est vulnérable, il le dit, sans détour et il est à l’aise avec cette idée. Pour avancer et grandir, rien de tel que de créer des relations d’apprentissage et de progrès avec les autres, dans leur entièreté d’êtres humains, avec leurs émotions. Les exprimer est d’autant plus important qu’elles sont le reflet de ce que les gens vivent ou ont vécu pendant la crise. La situation que nous vivons est inédite et nécessite de penser différemment l’avenir. Tout directeur que soit la personne dont nous parlons, elle n’est pas la seule dépositaire de toutes les nouvelles solutions à imaginer et mettre en œuvre. Sa force seule ne suffit pas. Il a besoin de faire émerger la force chez les autres par la coopération.
Un compte en banque, c’est encore mieux quand ça rapporte. Plus le solde de votre compte émotionnel grossit, plus vous vous donnez de chance d’embarquer les autres AVEC vous, plutôt que de vous positionner, même inconsciemment, CONTRE eux. Plus vous donnez aux autres l’opportunité de comprendre ce qui se joue chez eux en alimentant leur propre compte, plus vous faites émerger ce qui compte pour eux, plus vous leur donnez la possibilité de choisir la réponse la mieux adaptée à la situation que chacun rencontre. C’est ainsi que le rôle de Créateur apparaît, guidé par l’envie de mouvement et de progrès collectif par petits pas.
« Pas le temps d’ouvrir un compte en émotions ! » pourriez-vous me dire en cette période tendue… Pour avoir un compte qui rapporte, il faut savoir investir !