Il y a une histoire classique à propos d’un manager qui déclare fièrement à son coach qu’il a appris à maîtriser tout ce qui se passe autour de lui.
Partant du principe que le manager croit dur comme fer qu’il est passé maître dans l’art du contrôle, son coach lui demande de s’imaginer en train de marcher sur une plage avec de superbes vagues déferlant et glissant jusqu’à ses pieds.
Les yeux fermés, le manager répond « je vois bien, j’ai l’image. »
Le coach lui demande alors d’arrêter une vague, juste une grâce, à son savoir-faire aiguisé du contrôle. Le manager rouvre les yeux et, avec un froncement marqué sur son visage, elle répond que cette situation est ridicule.
« Vous m’avez dit que vous aviez développé une capacité particulièrement aiguisée de tout contrôler… » lui dit le coach. Ce à quoi, la personne répond « OK, message reçu ! »
L’usage du contrôle est une stratégie que nous mettons en œuvre pour avoir la main sur notre environnement et tout ce qui s’y passe. Contre toute attente, le besoin de contrôler est le reflet direct d’une estime de soi fragile. Nous nous disons que si nous contrôlons des situations extérieures à nous-mêmes, alors nous améliorerons notre estime de soi. C’est le contraire qui se passe car nous focalisons notre pouvoir d’action sur des circonstances extérieures et sur des personnes sur lesquelles nous n’avons en fait aucun contrôle ! C’est peine perdue.
La liste de ce que nous voulons contrôler est souvent longue. Nous essayons de contrôler nos émotions en les étouffant et en les réprimant, ce qui nous déconnecte une fois de plus de nous-mêmes. Nous tentons de contrôler notre apparence, nos comportements pour paraître agréable, pour obtenir l’approbation, pour être aimé et pour encore bien d’autres choses. « L’enfer, c’est les autres » disait Jean-Paul. Chacune et chacun d’entre nous utilisent le contrôle à sa façon.
Lire ces situations par le prisme des rôles de Victime, de Persécuteur et de Sauveur du triangle des tensions de Karpman peut nous aider à prendre conscience de nos habitudes de contrôle.
Par exemple, lorsque nous adoptons le rôle du Sauveur, nous nous trompons en pensant que nous pouvons anticiper les demandes et résoudre les problèmes des autres en étant particulièrement attentifs, agréables, arrangeants et accommodants. Nous pensons être utiles, mais c’est en fait une façon détournée d’installer notre contrôle sur les autres pour mieux maîtriser ce que nous souhaiterions qu’ils disent et pensent de nous et ainsi susciter une estime de soi artificielle.
Dans le rôle de Persécuteur nous nous positionnons contre les autres et prenons le contrôle en jugeant les situations ou les personnes que nous estimons être responsables de notre sort. Le Persécuteur est inconsciemment guidé par la peur de ne pas maîtriser son environnement. Son comportement peut alors être explicite ou plus subtil dans la perspective de gagner, de dominer et d’avoir le dessus pour réduire sa peur.
Dans le rôle de la Victime, la notion de contrôle est subtile car nous ne sommes pas toujours conscients de la façon dont nous adoptons un comportement de contrôle. Alors que nous pouvons nous sentir impuissants face à une situation et penser que nous n’avons aucun contrôle, c’est en abandonnant notre responsabilité face à la situation que nous devenons paradoxalement contrôlants. Nous insistons sur le fait que nous n’avons aucun pouvoir et exigeons que les autres ou la situation changent avant nous. Sinon, nous ne changerons pas…
La seule chose que nous puissions vraiment contrôler sont nos choix et nos réponses aux événements de la vie, bien souvent plus que les évènements eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle l’opposé de la Victime s’appelle le Créateur. C’est le fondement même de TED* – The Empowerment Dynamic. Lorsque nous vivons avec ce rôle, nous nous concentrons de façon responsable sur le seul contrôle que nous avons, celui de nos pensées, de nos choix et de nos actions.
Dans la semaine qui vient, prenez conscience de ce que vous pouvez et ne pouvez pas contrôler. Lorsque votre besoin de contrôle émerge, faites preuve de curiosité pendant la minute qui vient. Prenez le temps de réaliser ce que vous voulez contrôler. Si ce contrôle ne dépasse pas le périmètre de vos pensées ou de vos choix, laissez filer… À la façon d’Epictete et de Marc Aurèle, concentrez-vous sur ce qui dépend de vous.
Et que se passera-t-il si vous laissez filer ? Vous vous sentirez plus léger et plus libre de mettre de l’énergie sur ce qui dépend de vous, à la façon du Créateur.